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Histoire et Esotérisme
26 février 2008

La ruse de Jean Chauldrier

Seul, enfermé dans son cabinet de travail, Messire Jean Chauldrier, maire de la Rochelle, réfléchissait profondément.
C'était un bon citoyen et un ardent patriote que messire Jean Chauldrier. Il gémissait de voir sa ville au pouvoir des Anglais.
Déjà, il avait dit au roi de France que les Rochellois n'accepteraient la domination étrangère que des lèvres, et non du coeur. Cette fidélité ne s'était pas démentie ; aussi Edouard III, roi d'Angleterre, tenant à s'assurer la conservation de cette place importante, songeait-il à enlever les notables habitants de La Rochelle, et à les remplacer par une colonie anglaise. Cette menace avait excité la colère de Jean Chauldrier et de ses concitoyens, et en ce moment même, le maire cherchait le moyen de se débarrasser des oppresseurs, d'un seul coup et par la force au besoin.
Les circonstances étaient favorables. Les troupes Anglaises s'étaient éloignées pour se porter au devant du connétable Du Guesclin, qui avait fait une pointe du côté de Poitiers. Il ne restait à La Rochelle que la garnison du château. Mais ce château dominait la ville et ses fortifications.
Jean Chauldrier résolut d'employer la ruse. Le chef de la garnison Anglaise était un capitaine nommé Philippe Mancel. Il possédait la réputation d'un soldat courageux, mais il avait un défaut, qui n'était pas rare à cette époque ; il ne savait pas lire. Le maire se promit d'en profiter. Il chercha dans ses archives une lettre que le roi d'Angleterre lui avait adressée, deux ans auparavant. C'était une feuille de parchemin marquée d'un large cachet rouge. Muni de cette pièce, Jean Chauldrier se rendit au château et fut introduit auprès de Philippe Mancel.
"Que désirez-vous, Messire, demanda l'Anglais d'une voix rude ?
- Capitaine, répondit le maire sans se troubler, je vous apporte une lettre du roi d'Angleterre que je viens de recevoir."
C'était un mensonge que faisait Jean Chauldrier en parlant ainsi ; mais il risquait sa vie pour son pays. Il était excusable. Philippe Mancel prit le parchemin. Il regarda l'empreinte marquée sur la cire rouge, et, reconnaissant les armes d'Angleterre, il se montra satisfait. C'était bien une lettre du roi.
Mais il fallait savoir ce qu'elle contenait. Le capitaine eut recours à toute son habileté pour se faire dire par le maire ce qu'il ne pouvait pas lire lui-même.
"Vous avez vu ce que m'écrit le roi ? demanda-t-il à Jean Chauldrier ?
- Oui, capitaine.
- Répétez-le, pour voir si nous sommes d'accord.
- Le roi vous ordonne de passer une revue de votre troupe sur la place de La Rochelle, afin d'en imposer à la population, et à la fin de la revue, je vous paierai, à vous et à vos hommes, ce qui vous est dû pour l'arrièré de votre solde."
Les yeux du capitaine brillèrent de plaisir.
"Vous êtes prêt à exécuter cet ordre ? demanda-t-il.
- Demain, je serai prêt.
- Soit, reprit d'une voix brusque le capitaine qui ne voulait pas laisser paraître son contentement ; demain, à six heures, je passerai la revue sur la place."
Jean Chauldrier quitta le château avec la certitude que Philippe Mancel, alléché par l'appât de l'argent, commettrait l'imprudence de se risquer dans la ville. Il se hâta de rentrer chez lui, non pour rassembler une grosse somme, mais pour réunir les notables, et leur donner ses instructions. Lui-même parcourut, le soir, tous les quartiers de La Rochelle, afin de prendre ses dispositions.
Le lendemain, le capitaine, exact au rendez-vous, fit abaisser le pont-levis et se rendit sur la place à la tête de cent cinquante soldats. Il n'en laissait que dix à la garde du château. A peine la revue était-elle commencée, que de chaque maison des quartiers éloignés sortaient des hommes armés, qui formaient bientôt une troupe imposante, et se plaçaient de façon à couper aux Anglais le chemin du château.
Quand il s'aperçut de ce mouvement, Philippe Mancel voulut s'y opposer, mais de chaque rue débouchèrent des compagnies de bourgeois armés. Les fenêtres se garnirent d'archers et d'arbalétriers. Le capitaine comprit que toute résistance était impossible. Abrités derrière les épaisses murailles d'une citadelle, cent cinquante hommes peuves dominer une ville. Mais dans les rues, ils seraient écrasés par la foule. Furieux d'avoir été trompé, fou de rage, Philippe Mancel fut obligé de se rendre.
Le maire, après avoir désarmé ses prisonniers, les fit conduire devant le château, menaçant de les exterminer jusqu'au dernier si on ne lui ouvrait pas les portes. La petite troupe laissée dans la citadelle, n'attendant pas de secours du dehors, se soumit à son tour, et les Rochellois triomphant furent maîtres de la place.
Ils se hâtèrent d'avertir Du Guescli, qui vint prendre possession de la ville, au nom de Charles V.
Jean Chauldrier fut anobli et magnifiquement récompensé. La Rochelle reçut des privilèges importans pour prix de sa fidélité. Quant au roi d'Angleterre, Edouard III, il put méditer à loisir sur l'inconvénient de confier la garde des places fortes à des officiers qui ne savent pas lire.

Félix LAURENT

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