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Histoire et Esotérisme
3 mars 2008

Les figures de cire

Num_riser0001On nommait autrefois vols ou voust, de vultus, figure, effigie, une image de cire au moyen de laquelle on se  proposait de faire périr ceux qu'on haïssait, ce qui s'appelait envoûter. La principale formalité de l'envoûtement consistait à percer la figurine d'une épingle ; l'envoûté qu'elle représentait était lésé dans la partie correspondante de sa personne. Si bien qu'aussitôt qu'un homme mourait, alors que la cause de sa mort ou les développements de la maladie qui l'avaient causée échappait à la science un peu myope des médecins de l'époque, on criait à l'envoûtement. Ainsi Dufas, roi d'Ecosse, dépérit peu à peu et mourut tout desséché par le maléfice d'un sorcier qui faisait fondre tous les jours sur un brasier la statue de ce prince, ainsi Charles IX et autres.
L'affinité entre l'individu et son image de cire suffirait seule, comme je viens de le dire, à montrer le pourquoi de ce sortilège.
Au moyen âge, on croyait si bien à l'envoûtement et l'on en craignait tellement les effets que les tribunaux condamnaient impitoyablement à mort tous ceux que la crainte ou la vengeance accusaient de ce sortilège. Le procès d'Enguerrand de Marigny en offre un exemple frappant.
Lorsque, après le réquisitoire accablant de Jean d'Asnières, nobles, bourgeois et vilains réclamaient la mort d'Enguerrrand de Marigny, on vit le roi hésiter. Il répugnait en effet à Louis le Hutin d'abandonner à l'inimitié de tous un homme qui, pendant près de vingt ans, avait été le conseil et le bras droit de son père. Le comte de Valois, grand ennemi d'Enguerrand, chercha le moyen d'empêcher le roi d'incliner à la clémence. Il le trouva.
Au moment où l'irrésolution de plus en plus croissante de Louis le Hutin remplissait d'espoir le coeur des amis d'Enguerrand de Marigny, "le bruit se répandit que sa femme et la dame de Chanteloup, soeur de celle-ci, avaient consacré au démon quelques images de cire, au moyen desquelles, grâce aux sortilèges d'une boiteuse, d'un certain Jacques Paviot et de son valet, elles avaient voué à la mort le roi lui-même, le comte de Valois et le comte de Saint-Pol. Le comte de Valois s'empressa d'informer le roi de ce fait, constituant à cette époque le plus grand de tous les crimes, et requit l'emprisonnement de la dame de Marigny, de sa soeur et de leurs complices. Cette révélation produisit une impression profonde sur l'esprit de Louis le Hutin. La mort d'Enguerrand fut décidée. "Je oste luy ma main, dit le roi tout ému au comte de Valois, et dès ores en avant ne m'en entremets ; mais selon ce que vous verrez bien expédient et avenant luy faictes." Le comte de Valois, qui avait déjà fait conduire dans la prison du Louvre la dame de Marigny et la dame de Chanteloup, et dans celle du Châtelet, la boiteuse et Paviot, s'empressa de convoquer à Vincennes, pour le samedi d'avant l'Ascension, plusieurs pairs de France, barons, chevaliers, et leur exposa ce qu'il appelait les forfaits et félonies d'Enguerrand de Marigny, en insistant principalement sur les projets d'envoûtement que sa femme et sa soeur avaient formés à sa suggestion, ce qui le fit aussitôt condamner au gibet.
Ainsi, comme le prouve cet exemple, le moyen âge considérait l'envoûtement comme le grand de tous les crimes. En examinant le dossier d'un procès non moins célèbre que celui d'Enguerrand de Marigny, nous apprendrons en quoi consistaient les pratiques de ce sortilège. Il s'agit de Robert d'Artois qui, en 1333, fut accusé d'avoir voulu envoûter Philippe de Valois et sa famille. Lancelot, dans deux mémoires relatifs à ce procès, en a rassemblé tous les documents. Voici les détails qu'il donne au sujet même de l'envoûtement, détails puisés dans le continuateur de Guillaume de Nangis et autres chroniqueurs de l'époque.
"A quelques jours de là, dit-il, c'est-à-dire entre la Saint Rémy et la Toussaint de la même année 1333, frère Henri Sageban fut mandé par Robert qui, après beaucoup de caresses, débuta par lui faire derechef une fausse confidance et lui dire que ses amis lui avaient envoyé de France un volt ou voust que la reine avait fait contre lui. Frère Henry lui demanda : "Que est-ce que voulte ? - C'est une image de cire, répondit Robert, que l'on fait baptiser pour grever ceux que l'on veut grever. - L'on ne les appelle pas en ce pays voulz, répliqua le moine, l'on les appelle manies." Robert ne soutint pas longtemps cette imposture ; il avoua à frère Henry que ce qu'il venait de lui dire de la Reine n'était pas vrai, mais qu'il avait un secret important à lui communiquer ; qu'il ne lui dirait qu'après qu'il aurait juré qu'il le prenait sous le sceau de la confession. Le moine jura. Alors Robert ouvrit un petit écrin, et en tira une image de cire enveloppée en un couvre-chef crespé, laquelle image était à la semblance d'une figure de jeune homme et était bien de la longueur d'un pied et demi, et il la vit bien clairement par le couvre chef, qui était moult délié, et avait, autour du chef, semblance de cheveux ainsi comme un jeune homme. Le moine voulut y toucher. "N'y touchez pas, frère Henry, lui dit Robert ; il est tout fait ; iceluy est tout baptisé ; il n'y faut rien à cettuy (manque rien à cette heure), et est fait contre Jeand de France (le fils aîné du roi), et en son nom pour le grever. Ce vous dis-je bienen confession ; mais j'en voudrais avoir un autre que je voudrais qui fût baptisé. - Et pour qui est-ce, dit frère Henry. - C'est contre une diablesse, dit Robert ; c'est contre la reine, non pas reine, mais diablesse ; tant comme elle vit, je n'aurai pas de paix ; mais, si elle était morte et son fils mort, j'aurais ma paix aussitôt avec le roi ; car de lui ferai-je tout ce qu'il me plairait , je n'en doute mie. Si vous prie que vous me le baptisiez, car il est tout fait, il n'y faut que le baptême ; j'ait tout prèts les parrains et marraines, et tout ce dont il est besoin, fors le baptême. Il n'y a rien de plus à y faire qu'à baptiser un enfant, et idre les noms qui lui appartiennent."
Frère Henry qui, le 31 janvier 1334, déposa sur toutes des circonstances, affirma qu'il refusa son ministère, prètextant que de telles pratiques ne pouvaient convenir à un homme comme Robert. Ce à quoi Robert aurait répondu : "J'aimerais mieux étrangle le diable que le diable m'étranglât."
Sous Charles IX, un nommé Quatre-Echelles, fut condamné comem envoûteur. Sous la Ligue, le duc de Guise, à Blois, vouait Henri III aux dieux infernaux, tandis qu'à Paris, suivant l'exemple de Mlle de Montpensier, chaque ligueur conservait dans un coin retiré de sa maison une petite chapelle sur laquelle se tenait une effigie en cire du roi, percée d'une épingle, en plein coeur.
Peu à peu, la civilisation aidant, l'envoûtement perdit ses droits. Mais les voyageurs le retrouvèrent triomphant chez les naturels du Nouveau-Monde. Le père Charlevoix raconte que les Illinois font de petits marmousets pour représenter ceux dont ils veulent abréger les jours, et qu'ils percent au coeur.

Frédéric DILLAYE - Image : Robert d'Artois envoûte le fils du roi

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Commentaires
J
Bonjour. Merci pour cet article très intéressant<br /> <br /> j'ai trouvé dans un acte de rémission royale en date de mars 1395 la formule suivante "et d'avoir baptisé un vouis de cire, pour occasion du quel fait le sire de la Maynardiere ala, si comme l'en dit, de vie à trespassement "<br /> <br /> Il s'agirait donc d'un envoutement ? (le coupable est un prêtre :-)
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