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Histoire et Esotérisme
12 janvier 2013

Une découverte

Janvier2013_001La reine Marie de Médicis, épouse de Henri IV, qui était très gourmande, avait amené d'Italie son confiseur favori, le florentin Pastilla. Pastilla avait pour principale occupation de fabriquer du matin au soir des pastilles (bonbons qui avaient pris son nom) au chocolat, à la rose, à la vanille, aux fruits, à l'héliotrope, à l'angélique.
Ces friandises firent fureur à la cour et, bien que Pastilla eût déjà sa fortune, faite grâce aux Médicis qui le protégeait, il n'en amassa pas moins l'or à pleines mains dans la capitale de la France. Quand la reine fut exilée à Cologne, le fidèle Pastilla la suivit et consola ses jours de tristesse en combinant d'exquises sucreries.
Mais en quittant la France, Pastilla emporta au coeur un lourd chagrin, presque une honte : en ces dernières années, un rival, un parisien, venait de se révéler, et chacun le déclarait le premier confiseur du monde.
Ce rival était Lassagne, le "chef de bouche" du maréchal Duplessis-Praslin, vieux gourmet dont les festins princiers étaient célèbres.
Lassagne avait fait une découverte, ou plutôt inventé un bonbon exquis que Pastilla n'avait pas su trouver, de là la tristesse qui devait assombrir la fin de sa vie. Voici comment Lassagne illustra son nom.
Blasé sur les plaisirs de la table, fatigué de croquer toujours les mêmes douceurs, le maréchal, son maître, déclarait bien peu féconde l'imagination des cuisiniers. Lassagne se creusait la tête, ne dormait pas de la nuit, se vouant à tous les saints du paradis, et... ne trouvait rien.
Or, un jour, son petit neveu vint le voir et, pour le faire rester tranquille à l'office, Lassagne lui offit une amande et un morceau de sucre, présent inestimable à cette époque où le sucre se venait extrêmement cher.
Le petit bonhomme, qui n'avait pas faim, se glissa dans la cuisine et, distraitement, en jouant avec les cuivres du fourneau, il posa sur le feu son amande dépouillée de la coque.
L'amande grilla. Un instant après, l'enfant la repris et, en se brûlant un peu les doigts, se mit à la sucer lentement, croquant aussi par intervalles son morceau de sucre.
"Encore un peu de sucre ?" demanda-t-il, lorsqu'il eut fini.Janvier2013_005
L'oncle accéda à son désir, et bambin, qui n'était pas sot, fit de  nouveau griller l'amande. 
Au parfum qui s'en dégagea, Lassagne dressa le nez, comme un bon cheval de bataille qui flaire la poudre ; il huma l'atmosphère, se précipité sur le petit garçon effrayé, lui arracha son amande brûlée et la goûta ; puis, à son tour, il alterna avec le sucre, croquant, goûtant encore, et, finalement, dans un transport de joie, il enleva de terre son neveu qui ne comprenait rien à cette mimique, et l'embrassa avec ardeur.
"Petit, lui dit-il, je me charge de ton avenir, tu seras plus tard un grand artiste en confiserie.
Lassagne écarta de lui les importuns, se recueillit dans les mystères de son laboratoire, et composa la praline.
Ce fut du moins le nom dont il baptisa le délicat bonbon, afin d'en faire honneur à son maître, le maréchal Duplessis-Praslin.
Quand l'amande, savamment grillée à point, se fut recouverte d'une couche de sucre rose et glacé au feu, Lassagne pâle et ému demanda à être introduit auprès du maréchal.
Celui-ci, qui était en conférence avec de graves collègues, flairant une friandise nouvelle, donna l'ordr de le laisser entrer ; le "chef de bouche" apparut, digne et plus fier que s'il avait gagné trois batailles et conquis une province, et il présenta sur un plateau d'argent les bonbons vermeils et appétissants.
Le maréchal sourit avec complaisance, goûta une praline avec recueillement, en prit une autre, en offrit à ses visiteurs, réunit leurs appréciations, et déclara à Lassagne qu'il était le roi des confiseurs.
Lassagne s'inclina, en homme qui sait ce qu'il vaut et que le compliment ne touche pas ; puis il retourna à son officine et se remit au travail.
Janvier2013_004Duplessis-Praslin doubla ses émoluments et le tint en plus haute estime encore ; la nouvelle, qu'un bonbon inconnu et exquis venait d'être inventé, courut dans toute la ville et parvint même aux oreilles du roi qui désira immédiatement connaître cette merveille.
Une énorme boîte de pralines des mieux réussies lui fut offerte, et le monarque les goûta si fort que les dames de la cour, qui comptaient en avoir leur part, furent toutes désappointées.
De ce moment, Lassagne devint célèbre et fut assiégé de commandes auxquelles il ne pouvait suffire. On devine que sa fortune se fit promptement ; mais cet artiste en friandises prisait plus encore la gloire que l'or ; il se montra plus fier d'un modeste présent que lui fit le roi ; que des montagnes d'écus qu'il amassa par la suite.

Roger DOMBRE

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